Le maintien des services publics sera un enjeu essentiel de l’élection présidentielle.

Voilà 40 ans que par « service public », les décideurs entendent « services » : un service public peut donc devenir « privé ». Ce service est-il plus efficient si libéralisé ? Les services publics ont été réduits à peau de chagrin dans l’hexagone, et l’Union européenne a lutté contre les monopoles d’Etat (réforme de la SNCF, projet Hercule, etc.). Ces dernières années à l’étranger, la délégation de service public au privé pour le traitement des visas (trois prestataires de service extérieurs travaillent pour la France dans le cadre de l’externalisation de la collecte des demandes de visa : TLS CONTACT, VFS GLOBAL, CAPAGO) ou encore les élections1 a prouvé ses limites [1] auprès des électeurs et des utilisateurs.

Nous affirmons que les services publics font partie de la spécificité et de l’identité de notre pays.

Le budget de l’Etat consacre une part croissante à la protection sociale, aux allocations chômage et aux retraites alors que la part de l’éducation nationale dans le budget de l’Etat a baissé dramatiquement depuis 25 ans. L’Etat n’a plus les moyens d’exercer ses missions régaliennes. L’accès aux biens de première nécessité (éducation, transport, santé…) est la garantie de la réduction des inégalités et de l’exercice de la citoyenneté.

A l’étranger le paradigme est un peu différent car constitutionnellement par exemple l’école n’est ni obligatoire, ni gratuite pour les jeunes Français de l’étranger.

Alors qu’en est-il exactement ? Destinataires de la note dite « Achille » du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), nous avons analysé le budget 2022 du MEAE dont dépendent les budgets alloués aux Français de l’étranger et qui s’élève à 6Mds € soit environ 2.5% du budget de l’Etat (250 Mds €). Les principaux crédits en apparence maintenus ou en hausse suscitent quelques interrogations.

Action Publique (AP 22)

Nous regrettons que la principale variable d’ajustement des budgets successifs de l’Etat soit le nombre de fonctionnaires en France comme à l’étranger, y compris au MEAE. Le plafond d’emploi de ce ministère est porté à 13 606 Équivalents Temps Plein Travaillés (ETPT) (sur 5.6 millions de fonctionnaires et assimilés sur le territoire national), « confirmant l’arrêt du programme Action Publique 2022 et des réductions d’effectifs afférentes » en cours depuis quatre ans. Nous constatons cependant par exemple l’absence chronique de conseillers fiscaux ou de conseillers aux affaires sociales dans nos ambassades, la délégation de ces services revenant mécaniquement à des associations type OLES. Nos compatriotes espèrent toujours avoir un contact direct avec un agent ou avec un référent [2] au sein des consulats.

Bourses scolaires et fonctionnement de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’étranger (AEFE)
Un ajustement ponctuel de l’aide à la scolarité est opéré en raison d’un important reliquat dans la trésorerie de l’AEFE. L’enveloppe des bourses sur le programme 151 (voir annexe) sera ainsi ajustée à la baisse de 10 M€ et atteindra 95 M€ en 2022. Le volume total de bourses s’établit à 104,4 M€ comme en loi de finances initiale (LFI) 2021.

Il n’est cependant pas clair comment la soulte 2021 [3] a été alimentée : est-ce par les crédits covid non dépensés 2020 ? A priori, non, car en principe la soulte résulte d’un reliquat bourses scolaires non utilisé lors de la campagne précédente.

Nous regrettons par ailleurs le manque de lisibilité du programme à ce stade ne faisant pas apparaitre l’impact évalué de 1,3M€ dans une modification du barème en faveur des familles monoparentales tout comme l’impact équivalent de la part des restes à charge dans les cas de tarifs d’établissements plafonnés.

Nous saluons l’effort sur la prise en charge des accompagnants à la scolarisation des enfants en situation de handicap (ASESH) élargie aux élèves non boursiers dès la rentrée 2021-2022 : 1 M€ supplémentaire permettra de couvrir cette extension pour un total de 1,3 M€, sur un budget déjà consommé à hauteur de 365 000 € en 2019-2020 pour quelque 110 élèves boursiers.

La subvention prévue pour l’AEFE en PLF 2022 est stabilisée à hauteur de 417 M€. « Le ministère amplifiera également son soutien aux programmes FLAM » …dont on a appris qu’il devait doubler à 1M€, mais avec quel véhicule ?

Affaires sociales

Avec la crise COVID, de nombreux expatriés français ont perdu leur emploi, leur entreprise. Le Gouvernement a mis en place un dispositif d’aide destiné à ceux qui se retrouvent dans la précarité. En 2020, seuls 5 millions d’euros ont été utilisés et en 2021, l’Etat prévoit de dépenser 12 millions d’euros sur les 50 initialement programmés. Sur ce point rien ne laisse encore entrevoir le transfert de ces crédits covid 2020 non-consommés pour 2021 ni dans le PLF 2022.

Dans certains pays, ce dispositif n’est pas ou peu connu car certains consulats n’ont pas suffisamment communiqué sur ce sujet. Cette aide est uniquement gérée par l’administration française, les élus ne sont pas associés aux décisions prises par chaque poste.

NB : les élus doivent s’impliquer auprès des familles et avoir un dialogue constructif avec les postes, en outre les élus ont leur mot à dire pour l’attribution des subventions aux OLES. Nous votons en CCPAS dédié les subventions aux OLES mais la décision finale est prise hors commission nationale action sociale, uniquement par l’administration.

Les crédits consacrés au soutien aux tissus associatifs français à l’étranger (STAFE) seraient, quant à eux, maintenus à hauteur de 2 M€ : alors que l’administration du MEAE a retoqué 62 % des demandes des associations le 5 mars dernier pour « ventiler » des crédits supplémentaires (1,07 M€) aux aides covid, le secrétaire d’État déclarait que « toutes les associations peuvent faire une demande dont l’objet sera l’aide aux Français, et pas seulement les organismes locaux d’entraide » (la plupart étant en voie de disparition). Le contrôle démocratique sur cette 2e session est insatisfaisant. Les crédits STAFE ont été inutilement ponctionnés.

Elections

En 2022, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères assurera l’organisation des élections présidentielle et législatives à l’étranger. Un transfert en provenance du ministère de l’Intérieur à hauteur de 12,85 M€, a été acté pour participer au financement de ces scrutins. Objet d’un engagement présidentiel, le vote par internet sera mis en œuvre pour les élections législatives comme il l’a été pour les élections consulaires en 2021.

Nous espérons que ces crédits pourront en priorité être affectés au déploiement de centres et de bureaux de vote décentralisés.


Laure Pallez et Philippe Loiseau

Notes :

[1] Elections consulaires 2021 : le vote internet, même s’il a beaucoup mieux fonctionné, a tout de même connu certains problèmes d’identifiants et de mots de passe, SMS non reçus,… la patience des électeurs potentiels a été testée. https://www.laure-pallez.fr/mails/envoi14.html

[2] Le baromètre des attentes et besoins des Français de l’étranger réalisé par l’association FDM-adfe en 2019 relevait ce point comme un lien fondamental entre les usagers et l’administration consulaire. https://www.laure-pallez.fr/top-3-des-preoccupations-des-francais-du-monde

[3] C’est une application stricte de l’annualité budgétaire aux comptes de l’AEFE qui est à l’origine de l’apparition en comptabilité d’une « soulte » dont le montant est constitué par la différence entre les crédits bourses versés par l’AEFE aux établissements scolaires au titre d’une campagne scolaire (à cheval sur deux années budgétaires) et ceux qui sont rattachés comptablement à l’exercice budgétaire de l’année N.

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