L’État n’a cessé de perdre en légitimité, essentiellement depuis les années 70, du fait d’une impuissance à apporter des réponses aux problèmes des citoyens (chômage, accroissement des inégalités), de l’exercice jacobin du pouvoir et de la montée progressive de la défiance à l’égard de la classe politique et des partis. Ces tendances ont abouti à une abstention toujours plus forte aux élections nationales et à l’émergence des formes de populismes. Les forces sociales ont, quant à elles, profondément muté, au détriment des syndicats (7% des salariés sont syndiqués) et même en opposition aux structures traditionnelles. Les « bonnets rouges », les « gilets jaunes », les ZAD, ne se sont pas transformés en forces sociales et politiques, mais sont demeurés des collectifs citoyens plus informels, davantage bâtis autour d’une cause que d’un projet global. Dans ce contexte, faut-il considérer l’associativité comme un obstacle ou un levier du vivre ensemble ou du communautarisme ?

Même si l’architecture institutionnelle s’effondre, la défiance vis-à-vis des règles du jeu de la démocratie formelle[1] telles que décrites par Bobbio, la démocratie matérielle, qui privilégie « un certain ensemble de fins», en particulier l’égalité, « indépendamment de la considération des moyens adoptés pour les atteindre », ne devrait pas être en danger, mais restons prudents car les fins sont en train de basculer ainsi que les valeurs prônées par la démocratie.

Au lendemain de la pandémie qui a été un révélateur de la crise de l’État, la France s’enfoncera-t-elle dans une forme de déchéance démocratique ou est-elle à l’aube d’une métamorphose ? Quel rôle y joueront les associations ?

Cette note s’efforcera de :

I – mettre en lumière que, face aux crises récentes, l’associativité – au sens plus large du terme – a fait preuve d’une remarquable capacité à contribuer au renforcement et à la construction de communautés résilientes et à la gestion de transitions majeures, tout en s’érigeant en bouclier face aux populismes.

II – Par ailleurs, malgré les dérives de certaines associations – communautarisme et ségrégation – ce sont les organisations, miroir d’une diversité, terroir de participation citoyenne, de création d’emplois qui peuvent revigorer le projet démocratique. La solidarité et l’altérité qui façonnent les actions de ces associations sont dignes d’intérêt, car elles apportent une plus-value au vivre ensemble : rempart des grandes démocraties de ce monde.

I – Associativité et démocratie : les associations comme espaces de développement du pouvoir d’agir des citoyens

La liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République, est issue de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Elle implique également le droit de ne pas s’associer. La liberté d’association est garantie par la Constitution. En droit français, l’association se définit comme « une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ». L’association est ainsi la personne morale issue de cette convention. Selon cette définition, il est possible qu’une association puisse réaliser des bénéfices et exercer une activité économique, mais elle ne peut distribuer ses bénéfices de quelque manière que ce soit. La loi peut restreindre la liberté d’association. Ainsi, une association ne doit pas porter atteinte notamment à la sécurité, à l’ordre public, aux bonnes mœurs. L’objet de l’association ne peut être contraire aux droits et libertés fondamentaux. La loi du 1er juillet 1901 n’oblige pas les associations à un fonctionnement démocratique. Elle instaure un régime de liberté d’association. Elle ne contient aucune disposition relative aux statuts des associations et n’impose aucune modalité d’administration courante de l’association. Néanmoins la démocratie est souvent un principe de gestion interne. Ceci s’explique notamment par, d’une part la dimension non lucrative des associations et leur finalité sociale et d’autre part le besoin d’affirmer une valeur d’égalité entre les personnes concernées par cette finalité sociale.

En somme, l’association est un microcosme sociétal : c’est un lieu d’apprentissage de la vie en société. Un lieu où l’exercice de son droit à participer aux décisions et actions est facilité et un lieu d’exercice du faire ensemble. Les associations sont des espaces de vitalité et d’expérimentation démocratique sans égal : en leur sein, les individus s’engagent et regagnent du pouvoir d’agir, en participant à un projet qu’ils portent collectivement. Il y a derrière cette dimension un véritable enjeu : celui de repenser la participation citoyenne, la contribution de chacun, la représentation, la prise de décision et l’action. En outre, parce que l’action associative s’ancre dans des projets qui touchent aux populations et aux territoires, le lien entre associations et pouvoirs publics est très fort, qu’il soit local, national ou même européen. Des enjeux communs peuvent émerger entre les différents acteurs de la démocratie et de la participation dans notre société. En parallèle, de nombreuses instances d’expression de la volonté des citoyens existent hors du cadre institutionnel, la démocratie se vit et s’expérimente à chaque instant dans la société civile. Les associations englobent une variété d’organisations et de formes juridiques. Elles partagent l’objectif de donner la priorité aux personnes, d’avoir un impact positif sur les communautés locales et adoptent une forme de gouvernance démocratique. Les associations de lutte contre la pauvreté sont, comme beaucoup d’autres, « contre l’État, tout contre », entre des attitudes d’opposition et/ou de revendication et la mise en œuvre de politiques publiques.

On souligne moins souvent qu’elles sont aussi, entre ces deux pôles, extrêmement créatrices. Rien que ces quarante dernières années, elles ont, ni plus ni moins, contribué à refaçonner le modèle social français[2]. Priorité est donnée aux personnes qui sont les plus exclues par le Mouvement Emmaüs dans un idéal d’une société inclusive. En Europe plus de 20 000 femmes et hommes travaillent ensemble dans 425 groupes dans 17 pays, dont 316 en Europe et 198 en France. L’activité principale porte sur la récupération et le recyclage d’objets de seconde main et de matériaux et permet à ces femmes et hommes de vivre dignement de leur travail, avec la fierté d’aider encore d’autres exclus. Les associations de ce mouvement pratiquent une solidarité intensive avec les victimes de traite des êtres humains (Lituanie, Bosnie), les victimes de guerre (Bosnie) et les victimes de discrimination (migrants, Roms, y compris en Roumanie, en Albanie) et financent des actions pour des enfants défavorisés. Servir l’Homme le plus souffrant et lutter contre les causes de la misère sont leurs valeurs fondamentales. Le Mouvement Emmaüs a pratiqué avant l’heure le développement durable en améliorant l’environnement par un travail social concret, démontrant aussi la viabilité d’un modèle économique alternatif. Mais c’est sur le terrain des conséquences sociales de la pandémie que le rôle des associations s’est avéré décisif, notamment pour remédier à l’isolement des personnes vulnérables et à l’appauvrissement des jeunes privés d’emplois étudiants. Pour venir en aide aux personnes vulnérables isolées par le confinement, c’est le modèle des équipes citoyennes et des coopérations territoriales développé par le réseau Monalisa qui s’est avéré le plus pertinent[3]. Pendant que la classe politique tergiverse sur le montant, la forme et les conditions de l’aide financière à apporter aux jeunes et s’interroge gravement sur la « valeur travail », le rapport d’activité des Restos du cœur relève sobrement que la moitié des 1,2 million de personnes qu’ils ont accueillies a moins de 25 ans[4].

Les associations font évoluer les discours des donateurs, des médias et des politiques publiques vers l’urgence d’accélérer la transition numérique du secteur. En effet, à la rareté des aides pour accompagner le développement de la présence des associations sur Internet, s’ajoute le manque d’accessibilité des outils numériques. Pourtant, permettre aux associations de se former sur le sujet serait profitable à l’ensemble de la population, notamment pour les publics qu’elles accompagnent. C’est pourquoi La Fonda, le Mouvement associatif et HelloAsso ont décidé de mettre en place un programme d’accompagnement au numérique dédié au secteur associatif. L’objectif de ce programme, appelé le programme PANA – Points d’Appui au Numérique Associatif – est d’aider les structures qui ont pour mission d’accompagner les associations à monter en compétence des accompagnateurs sur le numérique[5], en plus et de leur fournir un maximum de ressources pédagogiques gratuites sur le sujet.

Les associations alertent sur la nécessité de se préparer à la transition numérique. Cela passe par :

●   une prise de conscience du secteur sur son propre retard en la matière et ses difficultés, en termes de transition numérique – particulièrement mises en lumière par la crise sanitaire ;

●   une prise en considération des besoins territoriaux en matière de médiation numérique pour préserver l’égalité territoriale et l’accès aux droits fondamentaux ;

●   une nécessité de corréler transition écologique et numérique pour contribuer à décarboner l’économie ;

●   la constatation de l’efficacité de certaines réponses numériques citoyennes pendant la crise sanitaire, réponses qui demeurent par ailleurs.

En parallèle, le Pacte de Pouvoir Vivre (PPV) pense qu’il est possible de sortir des crises actuelles en redonnant à chacun le pouvoir de vivre et d’agir à toutes les étapes de notre vie. Aujourd’hui, plus de 60 membres composent le PPV, parmi les plus importants acteurs des solidarités envers les plus démunis, les migrants et les personnes vulnérables, et en faveur de la protection de l’environnement, du monde étudiant, du monde du travail, de l’éducation populaire, de l’économie sociale et solidaire et de la mutualité. Il compte près de 35 groupes locaux qui agissent dans toutes les régions de France. En s’organisant collectivement, le PPV vise à ce que la parole de la société civile soit prise en compte par les pouvoirs publics et les partis politiques. Lors des élections présidentielles de 2021, le PPV s’est mobilisé, a auditionné les candidates et candidats puis formulé 90 propositions. En promouvant le pouvoir d’agir des individus et des collectifs, les exemples recensés s’enracinent dans l’action immédiate et quotidienne et favorisent les partenariats au service d’une société qui ne laisse personne de côté.

II – Face à l’archipélisation des sociétés et à l’émergence des communautarismes, un renouvellement démocratique est possible

L’archipélisation des sociétés et l’émergence du communautarisme ébranlent les bases de la démocratie : l’abstention croissante aux élections et le rejet des partis en sont l’illustration. Les idéologies sectaires se développent, les communautés virtuelles se substituent peu à peu aux communautés territoriales. La violence se libère sur les réseaux sociaux et dans les manifestations et les menaces terroristes appellent des réponses sécuritaires. L’industrie des technologies de la sécurité offre des dispositifs comme la reconnaissance faciale mise en œuvre en Chine, qui pourraient séduire des gouvernements occidentaux aux abois. Parallèlement, les GAFAM laissent s’exprimer sur les réseaux sociaux mensonges, injures et haine, qui minent les débats et mettent en danger la démocratie.

Les associations ont, quant à elles, contribué à accentuer ou à confirmer certaines tendances. Parfois elles se sont engouffrées pour quelques-unes dans la brèche des communautarismes et en ont joué la fragmentation. En tout cas une poignée, ne se reconnaissant pas dans le système, se fait l’écho de fake news et, promeuvent le discours de l’abstention. Le fait qu’elles ne veuillent pas s’intégrer dans le système, qu’elles ne respectent pas, contribue à une incompréhension profonde sur le rôle des corps intermédiaires.

Non seulement ce sont les plus exclus d’entre nous qui sont stigmatisés, mais c’est toute la Cité qui doit attraper le wagon des transformations à venir et qui doit repenser sa « condition apprenante ». Un des antidotes à la dévitalisation démocratique peut être le concept de démocratie contributive pour faire place à la renaissance citoyenne. La démocratie contributive[6] consiste à élargir le principe démocratique au-delà des limites de l’institution représentative, non en multipliant les instances délibératives et consultatives comme dans la démocratie participative, mais en multipliant les capacités et les occasions de décider et d’agir. La démocratie contributive consiste, face à un problème à résoudre ou à un défi à relever, à considérer le citoyen non comme un usager, un client ou un bénéficiaire, mais comme un acteur, capable d’initiative et porteur de solutions. En éclairant la façon dont l’action collective, le « faire ensemble » se structure en communautés d’action, les travaux de La Fonda ont déjà mis en exergue ce citoyen agissant. Il s’agit maintenant d’envisager le changement d’échelle de la communauté d’action et d’imaginer son articulation aux règles de droit et aux institutions représentatives qui pourraient ainsi retrouver un socle de légitimité.

En parallèle, la démocratie participative ne peut se restreindre à la multiplication de dispositifs impulsés par les pouvoirs publics et suppose aussi de reconnaître, encourager, soutenir des formes d’auto-organisation citoyenne et leur interpellation ascendante de la part des pouvoirs publics. Si la reconnaissance institutionnelle des contre-pouvoirs citoyens n’est pas encore d’actualité, il est toujours utile de s’interroger sur les obstacles à l’épanouissement des interpellations citoyennes et les pistes pour y remédier à partir des propositions de l’Observatoire des libertés associatives. D’ailleurs ici et là, de nombreuses pistes ont été évoquées pour renforcer la contribution des associations à la prise en charge des enjeux que traverse la démocratie au XXIe siècle.

L’utilisation croissante d’Internet permet aux individus d’accéder en réseau à de nouvelles sources d’information (réseaux sociaux, pure players, bibliothèques virtuelles…). Cet accès à une information conçue de manière collaborative ou partagée en direct par des individus hors cadre professionnel, permet de dépasser les frontières institutionnelles. Cette nouvelle fabrique collective de l’information a permis d’accroître la responsabilité de la classe politique, des médias, des experts et des corps intermédiaires telles les formes associatives et d’autres sources de pouvoir. Par conséquent, les technologies numériques ont conduit à l’émergence d’un nouvel espace public, basé sur un réseau de travail individuel de centaines de citoyens qui communiquent entre eux et rendent possible une nouvelle source d’information pour le contrôle et la responsabilité du gouvernement. William H. Dutton considère ainsi cette nouvelle sphère publique comme le cinquième pouvoir[7].

Pour « interfacer » les contributions citoyennes et la fabrique de la loi/des décisions politiques, de nouvelles organisations, rassemblées sous la bannière de la “Civic Tech “ (à distinguer de Gov Tech) ont émergé pour offrir des outils technologiques adaptés aux participations citoyennes dématérialisées. Parmi ces acteurs, certains choisissent délibérément un statut associatif ou coopératif, préférant leur mission d’intérêt général à la recherche de profits. L’économie sociale – qui a la gouvernance démocratique au cœur de ses critères de distinction de l’économie classique[8] – participe pleinement de cette économie de la participation citoyenne.

Car pour garantir l’équité et l’inclusivité de nos systèmes politiques, il est également apparu essentiel d’atteindre les publics éloignés ou réfractaires au numérique, et de veiller à ce que leurs voix soient entendues dans le débat démocratique. Les principaux défis de la participation citoyenne numérique sont donc intrinsèquement liés à l’enjeu d’accès égalitaire de toutes et tous – individus et organisations, en particulier de la société civile – à l’information, aux pratiques démocratiques, à l’animation de débats sereins et constructifs, mais aussi à la réinvention de cadres structurés et efficients pour en assurer la gouvernance.

Quatre recommandations pour les responsables publics :

•    Consulter mieux et plus souvent les associations ;

•    Soutenir la formation et la sensibilisation de toutes et tous aux enjeux environnementaux ;

•    Poursuivre la territorialisation des politiques publiques environnementales ;

•    Soutenir l’investissement associatif.

Pour les associations et les responsables associatifs[9] :

1. Rendre plus visible ce qu’elles font déjà :

•    Mettre en valeur le fait que les associations ont une expérience de longue date dans leur domaine d’intervention, en montrant notamment, par exemple, comment leur modèle socio-économique est souvent bas carbone.

2. Valoriser les réseaux associatifs pour partager les apprentissages :

•    S’appuyer sur le Carrefour des Innovations Sociales pour partager et diffuser les expériences.

3. S’engager dans des démarches de long terme pour progresser sur le volet démocratique, social, environnemental tout en faisant appel à la formation continue :

•    Développer des partenariats avec des associations par thématiques – compagnonnage sur l’acquisition de meilleures pratiques, évaluation des pratiques en cours, sensibilisation, formation -, pour développer la sensibilisation, essaimer une culture commune et développer des pratiques responsables.

Ce qui est moins visible mais peut-être plus significatif encore, c’est la façon dont, en pratique, les politiques publiques mettent au centre du jeu l’associativité et la coopération, quelle qu’en soit la forme juridique. En voici quelques exemples. Celui des tiers-lieux d’abord, forme émergente du service au public, née dans la société civile et soutenue par les pouvoirs publics, qui réunissent moyens des collectivités locales, guichets de service public et initiatives associatives. Il y en a déjà 2 500 fin 2021, il y en aura 500 à 1 000 de plus à la fin de l’année[10].

Il existe des pistes inspirantes pour un futur désirable qui passent par l’éducation à l’information des futurs citoyens et des pratiques associatives innovantes visant l’éducation à l’information au travers des supports numériques alternatifs. Des nouveaux supports numériques, alternatifs, qui développent l’information avec la population visent à augmenter nos défenses immunitaires contre les idées d’extrême droite. Par leur travail de sensibilisation aux enjeux de société, les associations dites « civic tech » sont des remparts au(x) populisme(s). Ce monde des structures numériques, leurs méthodes et leurs outils sont destinés à influencer l’action publique. Au travers de ces outils, les associations construisent un pouvoir d’agir des citoyens permettant un pouvoir politique ayant suffisamment de pouvoir pour agir sur ces enjeux.

O’citoyen est une solution de consultation citoyenne en vidéo. Elle permet de créer de la proximité entre élus et citoyens en engageant la réflexion sur des projets d’avenir. Les témoignages vidéo récoltés via la plateforme web sont analysés par O’citoyen pour faciliter la prise de décision. Les citoyens enregistrent leur réponse depuis leur smartphone ou leur webcam d’ordinateur. Jeunes, actifs et seniors : chacun participe à la vie de la collectivité dans un temps qui lui est plus favorable.

Civocracy offre des solutions d’engagement aux territoires, à leurs citoyens et à leurs équipes. L’expertise en participation numérique et la plateforme digitale sont mises à disposition pour créer le plus d’impact social possible, en mettant à l’honneur le citoyen.

De fait, les citoyens ont indubitablement acquis un nouveau contre-pouvoir grâce au numérique. Les usages numériques donnent du pouvoir d’agir aux individus, enrichissent les connaissances sur des thèmes précis et pèsent dans le débat public. C’est particulièrement le cas des lanceurs d’alertes qui donnent à voir des dysfonctionnements de la vie en cité, sur les réseaux sociaux ou via les médias qui les utilisent pour générer des mobilisations citoyennes. Les pétitions sur Avaaz ou Change.org et les mobilisations comme celles après la mort de George Floyd – à l’appui d’un banal Google doc – illustrent les promesses des technologies du numérique citoyen et peuvent être corrélées à de nouvelles formes de militance et d’exercice de la citoyenneté. Ajoutons que la participation des citoyens au jeu démocratique est de plus en plus accessible : la systématisation des plateformes de campaigning (Customer Relationship Management & outils de communication de masse comme Citipo, Qomon) réduit le coût d’entrée pour se présenter aux élections. Par ailleurs, la multiplication des initiatives numériques visant à la transparence des élus et du processus démocratique (voir A Voté, Elyze, Nos Députés.fr) améliore considérablement l’information des citoyens et donc le choix démocratique.

Dans le même mouvement, la transformation numérique des services publics a – en France du moins, mais aussi au niveau des institutions européennes – clairement opté pour l’Open data (voir le mouvement OpenDataGouv) et l’Open-source software (OSS) qui deviennent la norme en dépit de l’obtention de certains grands marchés publics par des “Gatekeepers (voir la polémique du marché de Microsoft avec l’Éducation nationale ou le rétropédalage sur le Health Data Hub). Au niveau local, on constate une standardisation et une généralisation des plateformes de participation, avec un accent mis aujourd’hui sur la formation des personnels à leur utilisation. Au niveau national, la récurrence des grandes consultations sur des plateformes tierces – Decidim, Cap Collectif, Fluicity, Bluenove – a conduit l’État à se pencher sur la création de capacités en propre. Ce chantier a été confié à la DITR et au Ministère du Renouveau Démocratique.

En conclusion, un pacte démocratique, miroir de la diversité des citoyens agissants, peut devenir un levier pour façonner les politiques publiques au service de l’intérêt général. Il doit redonner au rêve des valeurs de solidarité, de bien-être collectif et de respect de la dignité ; s’efforcer d’obtenir une participation pleine, qui mobilise l’intelligence collective pour de meilleurs résultats et s’adresse, non seulement aux esprits mais aussi au cœur des gens ; réparer les liens sociaux et recomposer l’équilibre social qui fait masse contre l’europhobie et l’euroscepticisme. L’avenir du modèle démocratique passera par le rassemblement des demandes des citoyens, ce qui les rapprochera. L’année 2022 aura été, en France, une année charnière. Face à l’épuisement ou à l’inconsistance de bien des postures politiques, le fait associatif apparaît plus que jamais comme une ressource essentielle pour la revitalisation de la démocratie et comme un antidote puissant aux ravages du populisme. Il est temps pour ceux qui le portent de donner de la voix[11].

                                                                             Sandrine Soloveicik et Gabriela Martin (2021-2022)

credits photo: @ClaraCapmas


Sandrine Soloveicik, notaire et juriste de formation, a été directrice générale de la société Belokapi (Groupe Bayard Presse), puis directrice de la Générale d’Images (Groupe Générale des Eaux, actionnaire de Canal +), secrétaire générale de Com Dev Images (Groupe Caisse des dépôts) – et enfin secrétaire générale de la régie publicitaire de la Cinq (Groupe Hachette). En 1992, elle rejoint France 2 et le Groupe France Télévisions comme directrice adjointe de la production, puis successivement directrice de la Coordination et directrice des partenariats des cinq chaînes du Groupe France Télévisions. En 2011 elle devient déléguée générale de la Fondation France Télévisions, jusqu’à sa retraite en 2019. En avril 2020, Sandrine Soloveicik devient administratrice de la Fonda.

Diplômée en sciences politiques, Gabriela Martin (franco-argentine) est consultante. Elle a inscrit son parcours depuis une vingtaine d’années dans différentes facettes des affaires publiques, des mécanismes de prises de décision, de conseil stratégique et d’influence : d’un cabinet de conseil en affaires publiques à un think-tank spécialisé sur les enjeux européens et internationaux liés au développement durable, aux technologies du numérique accessibles à tous, en passant par un confédération européenne citoyenne ou encore une administration publique dans un pays fédéral. Elle a été pendant 11 ans déléguée générale d’Emmaüs Europe. Depuis 2018, Gabriela Martin est administratrice de la Fonda. Elle rejoint le bureau en avril 2019 et, après deux années comme secrétaire générale, elle devient vice-présidente chargée de l’influence en avril 2021. Elle est également membre du Haut Conseil à la vie associative depuis 2021.


[1] Qualifiée aussi de procédurale. La démocratie s’appréhende comme un ensemble de règles du jeu, comme un univers procédural sur le fondement duquel il est possible de prendre des décisions de contenus divers. Elle est une méthode pour adopter des décisions. La démocratie au sens formel détermine un « certain ensemble de moyens » – des règles procédurales – indépendamment des fins.

[2] Axelle Brodiez-Dolino, Ce que nous devons aux associations, Revue La Fonda, septembre 2021.

[3] www.monalisa-asso.fr

[4] www.restosducoeur.org/wp-content/uploads/2016/04/infographie_personnes_familles_accueillies_37e.pdf

[5] Cette montée en compétences ne peut et ne doit se faire sans réfléchir à un grand enjeu du numérique : son coût énergétique. Alors qu’une crise énergétique mondiale déclenchée par l’invasion de l’Ukraine a des répercussions considérables sur les ménages, les entreprises et des économies entières, nous sommes face à un débat nécessaire sur la sécurité énergétique et ses moyens, sachant que le secteur informatique engloutit déjà près de 10 % de la consommation mondiale d’électricité, https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique.

[6] Éditorial de la Tribune Fonda n°232 : la démocratie contributive.

[7] Mark Graham, William H. Dutton, Society & The Internet: How Networks of Information and Communication are Changing Our Lives, Oxford, Oxford University Press, 2014.

[8] A ce titre, le Plan d’action européen pour l’Économie sociale pose enfin des critères communs de définition, dont la gouvernance démocratique : “Ces entités font primer les objectifs sociaux et environnementaux sur les profits («priorité aux personnes et à la planète»), elles réinvestissent la majeure partie de leurs bénéfices dans leur organisation ou une cause sociale et leur mode de gouvernance est démocratique ou participatif (gouvernance «ascendante»).”

[9] Rapport du Haut Conseil à la Vie Associative : « Pour un engagement associatif renforcé au service de la transition écologique », adopté le 30 septembre 2021.

[10] francetierslieux.fr/wp-content/uploads/2021/07/Synthese-Rapport-2021.pdf

[11] https://fonda.asso.fr/ressources/synthese-ndeg6-association-democratie-et-pouvoir-dagir-les-fondamentaux-de-la-vie

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