Le thème des violences faites aux femmes est dorénavant très présent dans l’espace médiatique, il bénéficie d’un agenda propre au sein des organismes internationaux et génère des lignes d’action dans les politiques publiques. Cette visibilité d’un problème très ancien est récente mais demeure marginale lorsqu’il s’agit des Françaises établies à l’étranger. Laure-Julia Hostein le rappelle de manière opportune dans son mémoire de master intitulé : Violences conjugales chez les Françaises établies hors de France : une vulnérabilité particulière ? La situation des femmes qui suivent leur conjoint en expatriation[1]. Dans son travail, document auquel nous avons contribué, comme anciennes élues avec Laure Pallez, elle rappelle donc la relative nouveauté des politiques sur le sujet et établit un diagnostic sur la situation plus particulière des Françaises de l’étranger. Retour sur un sujet d’importance, qui est encore en friche et dont la force publique ne s’est pas suffisamment emparée.
La genèse
A l’origine de sa démarche universitaire, Laure-Julia Hostein revendique comme prémices le fait d’avoir été elle-même expatriée et intéressée par la question des violences faites aux femmes dans le cadre de son travail, autrement dit de disposer d’une expérience à la fois personnelle et professionnelle, ce qui lui octroie une certaine légitimité thématique et d’expertise. Le premier changement méthodologique qu’elle a eu à opérer est lié à l’impossibilité de pouvoir recueillir des paroles de victimes de violence comme cela était son intention première. Mais cette difficulté lui a, en revanche, permis de découvrir un écosystème à l’étranger, en particulier celui des élus des Français de l’étranger (députés, sénateurs, conseillers), acteurs essentiels par leur connaissance du contexte et leur inventivité pour combler l’absence de politiques publiques locales et françaises adaptées : « Les personnes interviewées ne sont pas des chercheuses ou expertes spécialisées, mais en raison de leur engagement, elles ont une bonne connaissance de la problématique. C’est à partir de leur position, de leur expérience et de leurs pratiques personnelles et/ou professionnelles que cette recherche a été menée. »[2] Cette précision est bien moins anecdotique que l’on pourrait le croire car elle renvoie à la méconnaissance générale des problématiques des Français de l’étranger (« Les Français de l’étranger ne sont pas des étrangers mais des inconnus pour la plupart des habitants de France. »[3]) et notamment à l’absence de données chiffrées et sourcées[4], et ce malgré la publication annuelle du Rapport du Gouvernement sur les Français établis hors de France[5].
Laure-Julia Hostein s’intéresse plus particulièrement à ceux que l’on nomme communément « les expatriés », autrement dit des personnes qui pour des raisons d’opportunités professionnelles, quittent la France pour un temps donné et un projet spécifique. Or cette situation suit majoritairement un schéma genré du couple, puisque c’est un homme qui part pour un poste à l’étranger, suivi de sa femme et de ses enfants. L’autrice se demande donc si le statut de conjoint suiveur favorise des violences en accentuant une répartition patriarcale des rôles et si la spécificité du contexte (éloignement, différences culturelles, …) constitue un impact sur la résolution du problème avec la dénonciation de l’agresseur et l’arrêt de la violence intra familiale. Compte tenu de ces particularités, de l’institutionnalité et de la dynamique des communautés françaises de l’étranger, elle interroge l’efficacité des dispositifs existants.
L’expatriation, un mélange d’opportunité et de freins
Une expatriation est un projet professionnel, familial et individuel qui apporte son lot de découvertes, d’opportunités, et de perspectives renouvelées. Le schéma majoritaire est celui d’une occasion professionnelle pour monsieur (avancement, bénéfices, expérience valorisée,…), d’une situation commode pour madame (avantages, prise en charge, accès selon le pays à de meilleures conditions de vie) et d’une scolarité pour les enfants, grâce au « package » pensé par l’entreprise qui privilégie le bien-être du salarié et de sa famille afin que celui-ci réponde au mieux aux attentes. Si ce programme est alléchant, il tend à occulter la réalité du terrain en particulier pour les femmes, d’autant qu’elles sont chaque fois plus nombreuses à être diplômées et à poursuivre une carrière. Une fois sur place, la conjointe suiveuse, forte de sa formation et de son expérience, tente de retrouver une activité professionnelle. Celle-ci peut sembler plus facile à exercer grâce au développement du digital, mais les chances de succès restent faibles, avec moins d’une femme sur deux qui travaille en expatriation et le plus souvent à temps partiel et dans des activités de bénévolat, donc pas forcément rémunérées. Au quotidien, le mari pour qui l’expatriation est le plus souvent une promotion, peut être accaparé par des horaires prenants et des déplacements. S’il y a des enfants, s’ajoute la difficulté de la garde pour la femme qui souhaiterait reprendre une activité professionnelle. De plus la barrière de la langue, les différences culturelles, l’absence de réseau et la situation administrative (visa de travail) sont autant d’écueils. Par ailleurs, en recherche d’un emploi local ou pas, les conjointes suiveuses doivent également faire face à l’éloignement géographique de leur environnement d’origine, familial, amical, et social. Enfin, sur place, la sociabilité est souvent circonscrite à la communauté française et francophone, entre femmes (groupe de mamans), qui proposent des activités pendant la journée, ce que l’autrice nomme un « entre-soi géographiquement millimétré extrêmement hétéronormé de la parfaite famille expat [6]».
Certes quand l’expatriation est réussie, c’est une séquence positive pour tous, mais quand est-il en cas de violences conjugales ? A tous les facteurs évoqués précédemment, s’ajoutent d’autres écueils lorsqu’une femme souhaite se mettre à l’abri et/ou dénoncer son conjoint : la méconnaissance de la législation locale en la matière, sans parler que dans certains pays la législation peut être bien moins favorable aux femmes qu’elle ne l’est en France ; l’identification des personnes et des structures ressources au sein de la communauté comme le poste diplomatique, les élus et les associations, communauté au sein de laquelle se pose la question de l’anonymat et d’éventuels conflits d’intérêt ; et la problématique du titre de séjour, si par exemple la femme dispose d’un visa dépendant de celui du conjoint violent. Enfin, en cas d’abandon du domicile conjugal par la victime surgit le problème crucial de l’hébergement sur place et/ou du rapatriement en France, sujet encore plus complexe en présence d’enfants. La dépendance financière est évidemment « la plus grande vulnérabilité », compte du statut de conjointe suiveuse, voire un déclencheur de cette même violence.
La question des enfants
Dans les situations de violences intrafamiliales hors de France, le thème des enfants apparaît immédiatement car il existe une multiplicité de situations compte tenu des spécificités juridiques selon les pays, des nationalités des couples (couple français dans un pays tiers, couple avec une nationalité autre, qui peut être celle du pays de résidence ou non, cas des binationaux,…) qui aboutit à une question complexe : quel droit s’applique ? D’autant que certains pays favorisent presque systématiquement le conjoint national, comme c’est le cas en Allemagne ou au Japon[7]. Cela pose la question du déplacement illicite d’enfants tant redoutés par les femmes victimes de violences conjugales si elles envisagent de rentrer en France[8]. Sur le sujet, l’autrice rappelle un changement législatif en France, qui considère les enfants comme des victimes indirectes ou co-victimes et non comme de simples témoins, ce qui pourrait avoir une incidence pour les familles françaises de l’étranger : « Ces réformes législatives en France devraient permettre une meilleure appréhension des difficultés que peuvent rencontrer les femmes françaises expatriées victimes de violences conjugales quand elles souhaitent rentrer en France avec leurs enfants. Elles devraient conduire à bannir toute décision de retour dans le pays de résidence. En contexte d’expatriation, puisque la résidence est temporairement fixée à l’étranger, qui plus est lorsque les deux parents sont Français, il apparaîtrait incompréhensible qu’un juge ordonne le retour des enfants auprès de l’auteur des violences ». [9]
État des lieux : une multiplicité d’acteurs pour une action parcellaire
En ce qui concerne la lutte contre les violences faites aux femmes, le bilan gouvernemental en la matière demeure assez maigre pour la communauté nationale où qu’elle se trouve, par manque d’ambition, de volonté politique et d’attribution budgétaire, et ce malgré les grandes annonces liées au « Grenelle » contre les violences conjugales. Certaines élues (oui, de fait, il s’agit des parlementaires femmes des Français établis hors de France) ont profité de ces espaces pour alerter les pouvoirs publics, tout comme les associations représentatives des Français de l’étranger et les élus locaux (conseillers des Français de l’étranger) sans grand résultat. Le gouvernement s’est engagé à faire mention des violences conjugales dans le Rapport du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France, à améliorer la formation et à sensibiliser le personnel consulaire sur le sujet, et à actualiser « l’annuaire des structures d’accueil de victimes de violences à l’étranger » présent dans chaque poste.
Il faut dire que les postes diplomatiques constituent le premier interlocuteur des Français de l’étranger et ils apportent quelques réponses, non spécifiques aux violences faites aux femmes en mobilisant les dispositifs et ressources traditionnels de l’aide aux compatriotes. C’est le cas de la délivrance d’un laissez-passer ou d’un passeport d’urgence, mais surtout des aides sociales d’urgence (secours occasionnels) ou d’une allocation à durée déterminée (maximum six mois) attribuée par les conseils consulaires pour apporter une assistance à des Français en difficulté. Cependant l’autrice émet, suite aux entretiens qu’elle a menés, un bémol : la longueur des démarches administratives, mais également la logique de l’octroi des aides (comme dans le cas des bourses scolaires) qui oblige à l’exposé de sa situation personnelle au sein du conseil consulaire (tenu normalement à la confidentialité) qui regroupe des membres de la communauté française locale, qui peuvent connaître victime et/ou agresseur. Il existe également les Organismes Locaux d’Entraide et de Solidarité (OLES)[10] qui apportent des aides financières ponctuelles, mais leur existence dépend des subventions qu’elles parviennent à obtenir et ces structures ne sont pas présentes dans tous les pays.
Quant aux initiatives locales, absolument indispensables, elles rencontrent parfois la volonté d’une parlementaire puis de l’État, comme l’illustre le cas emblématique de SAVE YOU. La sénatrice représentant les Français établis hors de France Evelyne Renaud-Garabedian a participé à la création de cette plateforme SAVE YOU,structure qui écoute, aide et accompagne des femmes françaises confrontées aux violences conjugales et intrafamiliales (SAVE YOU | Jointhesorority).Cette initiative a ensuite bénéficié d’une communication du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, à tel point que les sites internet des consulats ou ambassades mentionnent sa création.
La sénatrice a également déposé un amendement à la loi n°2023-140 du 28 février 2023 qui a créé une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, en excluant les Françaises de l’étranger de ce dispositif. L’amendement s’attachait à demander l’extension de cette avancée aux personnes françaises victimes de violences conjugales à l’étranger, mais a été déclaré irrecevable.[11]
Dans un autre domaine, la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 qui prévoit la possibilité d’un dépôt de plainte en ligne, par télécommunication audiovisuelle, a été adoptée et la députée des Français de la 10ème circonscription des Français de l’étranger Amélia Lakrafi a obtenu, lors de l’examen de cette loi, que la possibilité de porter plainte en ligne soit étendue à la communauté française de l’étranger. Une victoire législative qui s’est heurtée à une impossibilité technique, bien connue des Français de l’étranger, la mention du code postal qui reste une spécificité nationale. Aussi, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, la sénatrice représentant les Français établis hors de France Mélanie Vogel a déposé un amendement pour une résolution de cet empêchement pratique par le Ministère de la Justice prévue à l’été 2023. Au-delà de ce problème technique, qui est aisé à résoudre puisque l’administration française utilise un code spécifique pour les Français de l’étranger, se pose la question du caractère extraterritorial des situations, lors d’un dépôt de plainte pour violence conjugale. La violence a eu lieu hors de France entre Français, peut-on dans ce cas faire appel à la juridiction nationale ? Est-ce que la nationalité prime sur le lieu des faits ? C’est sur ces questions que se concentre plus particulièrement Sophie Briante Guillemont, sénatrice représentant les Français établis hors de France : elle souhaite la mise en place de permanences, qui s’appuieraient sur un binôme : un avocat en France, par exemple du barreau de Paris pour les questions de rapatriement notamment et un avocat français dans le pays d’origine.
Il arrive également que les parlementaires soient saisis directement soit par des victimes elles-mêmes, soit par des élus et des responsables associatifs, qui relaient des demandes de Françaises victimes de violences conjugales à l’étranger. D’ailleurs, l’auteure souligne l’importance de ces relais locaux, notamment les conseillers des Français de l’étranger. Cette sensibilisation peut aboutir localement à des initiatives privées à travers des lieux d’échange virtuels, comme par exemple le groupe Facebook « Expats Nanas : séparées, divorcées » issus de démarches individuelles, qui constituent une première écoute de proximité et pont vers des élus et/ou l’administration. La société civile s’organise, en quelque sorte, pour suppléer à l’absence de l’État.
Des recommandations contextualisées
Comme nous l’avons vu précédemment, il est possible d’adapter des dispositions existantes à la situation particulière des Français de l’étranger, en demandant l’extension de la loi à leur bénéfice. Il s’agit de rappeler systématiquement au gouvernement et à l’administration l’existence des Français de l’étranger tout en s’appuyant sur un travail législatif en cours. On peut aussi comme l’avait proposé la députée Amélia Lakrafi, intégrer un groupe « monde » lors des Grenelle. D’autre part, les parlementaires produisent des rapports qui constituent autant d’outils pour le législateur comme pour le gouvernement pour la mise en place de politiques adaptées, comme celui mentionné par l’auteure : Violences envers les femmes et les enfants : un confinement sans fin, qui rappelle « la nécessité de mieux intégrer nos compatriotes établies hors de France aux politiques publiques de lutte contre les violences conjugales ».[12] De même, les think tanks, les associations, les partis politiques, en plus des élus de proximité, qui peuvent disposer d’une connaissance fine de ces problématiques, réalisent des études avec des diagnostics et des propositions dont les Chambres et les ministères pourraient s’emparer.
Contrairement à ce qui est communément admis, le retour en France en cas de problème, pas uniquement celui des violences, n’apparaît pas nécessairement comme une évidence pour les Français de l’étranger : c’est le cas pour les binationaux, pour les couples binationaux, mais également pour des Français qui ont choisi un autre pays sans désir particulier de retour. C’est un élément essentiel à prendre en compte dans le cadre des politiques publiques, à moins de prendre uniquement en compte les expatriés, or si tous les expatriés sont des Français de l’étranger à un moment donné, tous les Français de l’étranger ne sont pas des expatriés. En cas de retour en France, il manque un dispositif qui accompagne les femmes pour l’inscription des enfants à l’école, pour se loger, pour se réaffilier ou s’affiler (car les binationaux nés à l’étranger ne sont pas affiliés tant qu’ils ne se rendent pas en France) à la Sécurité sociale, avec dans ce cas précis la suppression des trois mois de carence. De même, on pourrait faciliter une caution pour un appartement comme il en existe pour les étudiants. On pourrait également réserver des « quotas » pour des femmes victimes de violence de retour en France à travers le dispositif du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, France Horizon[13], qui dispose des moyens pour des rapatriements et des logements dans toute la France.
Sur place, il serait possible d’inclure de manière plus volontaire le thème des violences intrafamiliales dans les critères d’accès aux aides sociales, voire comme l’a proposé la Commission des affaires sociales de l’Assemblée des Français de l’Étranger, lors de sa 37ème session de modifier les critères de sélection des projets STAFE[14]. Le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a produit un Annuaire international des structures d’accueil des victimes de violence à l’étranger[15], ce qui va dans le bon sens, mais dont la mise à jour permanente assurera seule l’utilité, comme pour le Guide des victimes françaises de l’étranger qui consacre un chapitre aux victimes d’agression en général[16]. Les postes diplomatiques et consulaires pourraient également renforcer la liste des professionnels qualifiés francophones (avocats, traducteurs, notaires, psychologues, …) qui disposent d’une expertise dans le domaine pour faciliter l’accompagnement, listes à fournir également aux consuls honoraires et aux élus locaux, pour qui se pose régulièrement le sujet de la formation : il est envisageable, par exemple avec France Victimes, de sensibiliser et former tant le personnel des postes que les conseillers des Français de l’étranger. Cette demande a d’ailleurs été formulée aussi par la Commission de l’AFE[17]. Comme le recours aux professionnels a un coût, il serait réalisable de donner accès à l’aide juridictionnelle pour une prise en charge des frais de traduction, qui s’appuierait sur un partenariat avec des services de traducteurs assermentés. L’accès à des services en France par téléphone soulève plusieurs problèmes comme le coût d’un appel sur un téléphone fixe et des horaires d’ouverture pas forcément compatibles avec les différents fuseaux horaires, raison pour laquelle il faudrait mettre en place une ligne par WhatsApp, accessible à toute heure, que ce soit pour apporter une première écoute sur le modèle du tchat de Comme on s’aime[18], qui est anonyme et s’efface une fois la conversation terminée, ou pour contacter un réseau de professionnels français. Enfin, concernant les politiques publiques, une enquête anonyme à l’adresse des victimes devrait fournir une information plus fine de la situation qui déboucherait sur des dispositions plus en accord avec le contexte. Cette analyse ouvre d’ailleurs la question du nécessaire travail interministériel entre le ministère chargé des Français de l’étranger, celui de la Justice, celui des droits des femmes,…Du côté du secteur privé, pourquoi ne pas sensibiliser le monde de l’entreprise pour mener une réflexion sur les conditions de l’expatriation, avec un meilleur équilibre dans les droits au sein de la famille, en associant systématiquement les deux conjoints, par exemple un compte joint pour ce qui concerne les enfants dans l’expatriation et l’élaboration d’un livret d’accompagnement qui indique les ressources en cas de difficultés ?
Au-delà de ces pistes ponctuelles d’amélioration dans divers domaines, l’auteure reprend l’exemple espagnol :« L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mentionne que toutes les personnes se trouvant dans une même situation doivent être traitées de manière identique. Il s’agit d’un principe à valeur constitutionnel. Dès lors, est ce que les Françaises victimes de violences conjugales à l’étranger ne devraient pas pouvoir bénéficier de la même protection que celle apportée aux victimes sur le territoire français ? »[19] En effet l’Espagne a adopté en juillet 2024 une loi, qui renforçait les précédentes dispositions, en assurant l’égalité entre les Espagnoles de l’étranger victimes de violences de genre et les Espagnoles résidant sur le territoire espagnol, avec une attention particulière à l’information et à la prise en charge intégrale et concertée de l’administration en cas de retour.[20]
Conclusions
Violences conjugales chez les Françaises établies hors de France : une vulnérabilité particulière ? La situation des femmes qui suivent leur conjoint en expatriation de Laure-Julia Hostein constitue une base de travail intéressante, qui traite d’un thème encore assez nouveau, abordé de la manière la plus globale qu’il soit. Cependant, l’absence de données chiffrées rend difficile une étude pointue, et le mémoire étudie une situation précise, l’expatriation familiale qui repose sur la promotion professionnelle du partenaire masculin. Les entretiens réalisés montrent que les autorités françaises, principalement les services consulaires et diplomatiques, apportent une aide matérielle et logistique, ce qui correspond à une vision traditionnelle de l’État protecteur, en particulier à l’étranger, mais vraiment au cas par cas et de manière différente selon les pays. Pourtant l’extraterritorialité des situations et la multiplicité des pays de résidence ne peuvent constituer un frein et doivent au contraire conduire l’État français à mettre en œuvre des mesures, ne serait-ce que pour harmoniser l’aide et l’assistance à apporter. Nous ne pouvons que constater une véritable rupture d’égalité à la fois entre Françaises de l’étranger mais également entre celles-ci et celles qui résident sur le territoire national, car les réponses apportées sont disparates et liées à des initiatives personnelles ou à la conviction de certaines élues. Il apparaît urgent de mener des actions de sensibilisation, d’information et de formation visant l’ensemble des personnes concernées par cette problématique, afin d’extraire ce sujet de la sphère du privé car il s’agit bel et bien d’un problème de société. Seule une politique publique intégrale qui prenne en compte les vulnérabilités particulières des Françaises de l’étranger permettrait de sortir ce sujet de l’angle mort dans lequel il se trouve.
Florence Baillon, janvier 2025
[1] Laure-Julia Hostein, « Violences conjugales chez les Françaises établies hors de France : une vulnérabilité particulière ? », Mémoire de Master 2, Études de genre, sous la direction de Marie-Laure Déroff, soutenu le 05 septembre 2023, Universités de Nantes, Angers, Bretagne Occidentale, Rennes 2, Le Mans.
[2] Ibid., p.75.
[3] Ibid. p.40, note 101 Duchêne-Lacroix Cédric, « Les Français établis hors de France : aperçu démographique général sur une population méconnue et en transformation », in Bergouignan Christophe et al. (éd.), La population de la France, 2 tomes, Paris, CUPED/INED, 2005, p.847-858, p.852.
[4] Il existe des groupes Facebook et des associations qui tentent de dessiner les contours de ces communautés françaises à travers des outils (baromètres, questionnaires, enquêtes) mais leur composition démographique et sociologique peut entraîner un biais.
[5] Il est publié annuellement sur le site France Diplomatie du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
[6] Op.cit. p.99.
[7] Au-delà du cas emblématique de Vincent Fichot de pères français dont les enfants sont confiés à la garde exclusive de la mère japonaise, il existe de nombreuses situations dramatiques, qui ont même fait l’objet d’une question au Sénat cf. Autorité parentale et garde d’enfants binationaux au Japon
[8] Voir sur le sujet l’article publié par le think tank : La France et le Monde en Commun – Les déplacements illicites d’enfants : regards croisés et pratiques entre la France et les pays d’Amérique latine
[9] Op.cit., p.139
[10] Les Organismes Locaux d’Entraide et de Solidarité (OLES), selon le terme administratif du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, sont des associations qui engagent des actions en faveur des Français à l’étranger et qui reçoivent des crédits du ministère. Certaines s’occupent en particulier des femmes victimes de violence, comme l’OLES Entraide Floridienne.
[11] Loi n°2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Disponible à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047241405.
[12] Billon Annick, M. BRISSON Max, COHEN Laurence, DARCOS Laure, GARRIAUD-MAYLAM Joëlle, LABORDE Françoise, LAMÉNIE Marc, LEPAGE Claudine, MALHURET Claude, RAUSCENT Noëlle, ROSSIGNOL Laurence, BLONDIN Maryvonne, De CIDRAC Marta et DINDAR Nassimah, Violences envers les femmes et les enfants : un confinement sans fin, rapport d’information n°597 (2019-2020), fait au nom de la délégation du droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, déposé le 7 juillet 2020, [consulté le 1er août 2023]. Disponible à l’adresse : https://www.senat.fr/rap/r19-597/r19-5971.pdf
[13] Présentation – France Horizon
[14] Dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE) – Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
[15] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-aux-francais/conseils-aux-familles/annuaire-international-des-structures-d-accueil-des-victimes-de-violence-a-l/
[16] https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/guidevictimesfretranger_fusionne_05082020_cle44125a.pdf, actualisé deux fois en six ans.
[17] Octobre 2024 – Travaux de la commission des Affaires (…) – Assemblée des Français de l’Étranger (AFE)
[18] Le tchat pour discuter – Comment on s’aime
[19] Op.cit. p.170
[20] Ayuda a mujeres españolas víctimas de violencia de género en el exterior